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20 février 2008 3 20 /02 /février /2008 13:03
Récit de Sophie

Mon tout petit, mon petitroiz…

Voilà plusieurs mois que je te porte, que tu m’accompagnes jour et nuit, que nous te racontons, que nous te parlons, que nous t’appelons de nos mains, que nous t’espérons, toi qui es venu si vite à un moment si juste. Plusieurs mois qu’ Anne-sophie nous a faite cette proposition un peu folle de venir te donner naissance chez elle, accompagnée de J qui a accepté de faire partie de l’équipe sous condition d’être créatifs… De longs mois durant lesquels ce projet de te laisser venir à ton moment loin des protocoles et des normes, doucement s’est dessiné, doucement a pris forme, même si jusqu’au bout, il restait incertain. Que de livres lus et de discussions afin de palper l’impalpable. Nous avons réussi, toi, ton papa, Anne-so, J. et moi… Chacun de nous avons joué un rôle dans ta venue au monde et ta naissance a été parfaite et restera un moment tout simplement inoubliable…

En partage, pour les femmes, pour les mères, et pour ma fille lorsqu’elle sera femme.

Nous ne savons toujours pas où naîtra notre petitroiz. Nous nous sommes fixés une date avant laquelle il viendrait au monde à la maternité des Lilas, après laquelle il naîtrait dans la Sarthe, « à domicile » : le 1er décembre.

Mi-novembre Petitroiz peut enfin venir au monde sans risque, il n’est pas à terme, puisque il est prévu pour le 14 décembre, mais le voilà sorti de la prématurité. Nous ne sommes cependant pas encore vraiment prêts, quelques petites courses à faire, la recherche d’un siège auto, notre voiture à faire réparer et des forces à reprendre pour moi, je suis en effet encore très affaiblie par une gastro. Il vaut mieux attendre un peu et je suis sure qu’il le sait lui-même. J’ai cependant de plus en plus de contractions, certaines me réveillant même la nuit. Les nuits de pleine lune, la fréquence des contractions augmentent, c’est indéniable… Mais sans régularité. Cela nous fait prendre conscience qu’il sera bientôt là et qu’il nous faut rapidement finir de tout préparer. Les contractions s’intensifiant encore, nous nous rendons un soir aux lilas. Par hasard, on nous envoie dans la chambre la plus spacieuse, celle avec une baignoire… Nous y apprenons que tout va bien pour notre bébé et qu’à priori ce n’est pas encore son jour ! On repart cependant déçus par la maternité. L’ambiance y était bonne et les sage-femme très sympathiques, mais quelle pièce froide, inhospitalière, c’est un comble !!! Ce n’est pas de cela que nous voulons pour notre petitroiz. Ce soir là, nous pensons partir avant la date butoir, une fois le travail commencé, mais le trajet étant assez long jusqu’à la Sarthe, cela risquerait d’être compliqué et stressant. Alors, nous espérons de plus en plus fort que ton jour sera en décembre… En attendant, nous en profitons pour faire tout ce que nous avons à faire avant de partir et ainsi être tout à fait disponibles pour bébé ensuite… je termine la préparation à l’accouchement, je me fais plaisir en allant chanter une dernière fois avec petitroiz dans mon bidon. Chaque chant nous enveloppe, et l’un d’eux, « rond », me parle particulièrement. J’aime sa mélodie douce qui s’envole par moment. Nous vendons notre maison.

30 novembre Les jours ont passé et nous approchons de cette date sacrée ! Chaque jour terminé me rapproche un peu plus de ce grand saut que je m’apprête à faire pour mon bb. Étrangement, je suis de plus en plus sereine, nous n’attendons plus que l’échographie de contrôle pour avoir l’esprit libre. Rien n’est laissé au hasard, mon suivi est on ne peut plus complet, je veux partir tranquille. L’échographe et gynéco qui a fait tout mon suivi de grossesse, remesure notre plutôt « grotroiz » sous toutes les coutures. « il sera potelé » dit-il, « mais son poids à terme devrait être entre celui de ses deux aînés, entre 4200g et 4500g. » Il estime qu’à ce jour il pèse environ 4000g. Ces paroles sont extrêmement rassurantes et puisqu’il lui prévoit un poids de naissance entre celui de Margot et de Jonah, il n’y a aucune raison pour qu’il ne trouve pas le chemin de la sortie.

Nous voilà libres.

Nous prenons la route en direction de l’ouest, ça y est, nous y sommes !!! Les bagages, tout le nécessaire pour l’AAD (accouchement à domicile) et le chien, dans le coffre. Les enfants dans leur sièges. Une coque et un couffin nous rappelle que nous nous dirigeons vers notre troisième enfant, et que cette naissance respectée, cette re-naissance, cette re-co-naissance est enfin à portée de doigts : la balance est inversée.

C’est la nuit, les enfants dorment. Il tombe sur la voiture une pluie battante venant rompre le silence qui y règne. Joachim et moi nous regardons simplement Nous nous aimons et sommes heureux du chemin que nous empruntons ensemble ce soir. Notre trajet est rythmé par la pluie qui tambourine… et par les contractions toujours ! Assez fortes pour nous poser question, mais une fois encore sans grande régularité… A la sortie menant chez Anne-So, nous nous demandons un instant, si nous ne ferions pas mieux d’y aller directement, mais nous poursuivons notre route jusque chez ma maman qui nous accueille avec bonheur. Il pleut toujours très fort.

Ce n’est que le lendemain, après un bon repas, le cœur content d’avoir fait ce crochet, que nous nous rendons dans la Sarthe. Le chemin est lumineux. Avec mon homme, nous avons un peu d’appréhension à aller « envahir » la famille F., mais cette fois ça y est vraiment, nous y sommes !

Nous sommes accueilli très chaleureusement et avec cette simplicité et cette générosité qui caractérise Anne-sophie. Les enfants ne mettent que peu de temps à jouer ensemble. Nous nous installons. Au repas du soir, ce sera raclette !!! Menus de choix chez les janviettes ( ;-) ) Les enfants mangent en premier, ça fait une sacré tribu…

Les verres sont posés sur la table, on s’apprête à passer une bonne soirée, on a pas mal de choses à se dire, tellement de mois à imaginer cela…

Mais je sens tout à coup une humidité m’envahir. Je file aux toilettes, discrètement m’attendant à découvrir de l‘« eau », mais je me rends compte avec angoisse qu’il s’agit de sang. J’appelle J. Ca y est le contact est fait ! Elle me rassure et me dit de la tenir au courant, que cela peut-être le signe que le col travaille, mais que cela ne signifie pas que ce soit pour ce soir… Nous retournons mangés. Les enfants ont été couché au cas où… Mais la nuit se poursuit calmement, ni plus ni moins de saignement, de contractions.

2 décembre

Je me réveille, avec l’air de « rond » dans la tête. J’appelle petitroiz de mes mains comme à mon habitude, mais il ne réponds pas. Inquiétude… Je réveille son papa pour qu’il l’appelle à son tour mais nous ne percevons même pas un tout petit mouvement rassurant. Je m’imagine 10 000 scénarii catastrophes et appelle J pour lui en parler. Ses paroles sont comme toujours pleines de bon sens, rassurantes. Je l’imagine…….. Souriante. Je retourne m’allonger près de Joachim et après avoir bien secouer son logis dans l’espoir d’un tout petit coup, nous sentons à nouveau notre bébé. Mais différemment, c’est étrange…

Rassurés, nous allons prendre un petit déjeuner copieux. Quelques contractions commencent à se faire sentir… Elle sont différentes de celles que j’ai ressenti jusqu’à aujourd’hui… Et puis elles étaient précédées de pertes de sang comme pour Margot. je crois les reconnaître !!! Une pointe d’excitation m’envahit… Ces contractions là sont-elles celles qui mènent notre bébé à nous ? j’en suis de plus en plus sure. La question devient alors plutôt : dans combien de temps sera t’il parmi nous…

Chaque contraction me réjouis, elles sont encore très espacées et entre elles, il s’agit d’un jour comme un autre.

E. et sa douce voix, téléphone. Aurait-elle senti ce qui se joue ce dimanche matin là ! Je suis heureuse de lui parler, je sais qu’elle connaît la danse que je m’apprête à danser et je n’entends dans sa voix aucun stress, juste une pointe d’excitation.

Anne-so and family vont comme prévu chez leurs amis. Anne-so hésite, mais je la rassure et l’incite à ne pas changer complètement leur projet… qui sait combien de temps cela prendra ?

Les voilà partis. La maison est calme, dehors les éléments se déchaînent et le vent pris au piège dans le conduit de cheminée se fait entendre bruyamment. A travers les grandes baies vitrées, on peut voir les arbres balancer et danser.

Je commence moi aussi ma danse tranquillement… les contractions se font de plus en plus présentes… je suis en mouvement.

Je marche, je me ballade dans la maison sans mot, les enfants jouent calmement. De temps en temps, je m’assoie sur le ballon ou devant l’ordinateur. Je ne contrôle pas du tout à quel rythme viennent et reviennent les contractions, je les accueille une par une.

Puis elles commencent à se corser et je cherche des stratégies quand elles arrivent, pour diminuer la douleur. Je m’imagine une petite montagne : lorsque la contraction arrive, je vais la chercher, je lui attrape la main et je l’accompagne de l’autre côté du versant. Plus les contractions deviennent fortes et plus je les tire fort pour les mettre dehors… il m’arrive même de claquer la porte !!!

Entre les contractions je suis si bien que j’en arrive à douter, le travail est-il vraiment commencé ? La contraction suivante m’assure que oui.

Je suis sereine, je vis les contractions une à une, j’aime le calme qui règne ici, je suis contente d’être là. Margot et Jonah jouent ensemble.

Midi : C‘est l‘heure du repas, les enfants mangent avec leur papa, je grignote seulement, je continue à me promener en chantonnant, je suis complètement centrée sur mon petitroiz, je l’accompagne. Je suis heureuse de manger un peu du crumble fait par Anne-Sophie la veille, une de ses nombreuses petites attentions.

J’attends avec impatience que J me donne des nouvelles d’une autre maman qu’elle suit et dont le travail semble s’être mis en route. J pensait qu’elle accoucherait le matin, mais le matin est passé… je ne sais combien de temps le « travail » durera pour moi, et je patiente. J. pense que l’autre maman est plus avancée. Je vais, de la salle au bureau, en passant par la cuisine, chantonnant ronde, plongeant mon regard dans le mouvement des arbres face à la baie vitrée. Ils accompagnent ma danse depuis le matin et le bruit du vent seconde toujours ma voix.

Je suis obligée à présent de m’arrêter pour chacune des contractions, je m ‘appuie dos au mur, sur le dossier de la chaise de bureau ou contre les mains de Joachim quand il est disponible. Ils s’occupent des enfants. Parfois je l’appelle pour qu’il soit avec moi. Je lui demande de maintenir sa main fortement appuyée dans le bas de mon dos jusqu’à la fin de la contraction, le moindre mouvement m’empêche de la maîtriser.

Début d’aprèm, il doit être 14 ou 15heures Je demande à mon homme d’envoyer un texto à Anne-so et d’appeler J. pour la prévenir de l’évolution des choses. J’ai toujours dans un coin de la tête qu’une autre de « ses » mamans l’attend. Où en est elle ? Vais-je pouvoir attendre qu’elle arrive ? Où en suis-je moi-même ? J’ai vraiment mal et même si je gère totalement les contractions, n’ayant pour mes deux premiers enfants, pas connu les douleurs des contractions de travail, je n’ai aucune référence. La seule chose dont je suis sure, c’est que petitroiz est en chemin et que je suis sur le point de lui donner naissance dans les conditions que j’ai tellement souhaitées… La douleur ne me fait plus peur, le grand saut est déjà fait et je suis prête à beaucoup pour ne pas répéter mes erreurs. J. dit à Joachim qu’il faut que ça se corse plus encore, qu’elle attend toujours des nouvelles de l’autre maman… et de la tenir au courant. Je suis déçue et inquiète un peu, de cette situation, je me sens seule… mais je continue ma danse, au rythme des contractions intenses… je m’isole. Anne-so téléphone pour dire qu’ils partent et écourtent leur visite. Je m’en veux un peu mais cela me rassure, J. étant « retenue » j’ai envie de la savoir près de moi… Je suis extrêmement fatiguée, je n’ai qu’une envie, dormir… Je commence à être lasse de toutes ces contractions, je me décide à aller m’allonger tout en me disant qu’avec la douleur, je ne risquais pas de parvenir à m’endormir. Et pourtant, allongée, les contractions se calment, s’espacent pour ne plus se faire sentir du tout : que la nature est bien faite… Je me lève, reposée et bien étonnée de voir que les contractions ont cessées. Anne-so , Xavier et les enfants ne tardent pas à arriver. Elle, est toute excitée et me demande des détails. Les contractions reprennent un peu, mais sont indolores. Anne-so s’inquiète de ce que J. ait cette maman ; elle pense que nous devrions la rappeler, même si pour l’instant je suis en « pause ». Je ne sais quoi faire, J. nous a demander de la rappeler quand ça se corsait et ce n’est pas le cas. D’un autre côté, cela peut reprendre à tout moment et elle a quand même de la route à faire, surtout que dehors c’est la tempête. Il n’est pas question de la faire venir pour rien par un temps pareil… Au fond de moi, je sais que ce ne sera pas pour rien, mais je pense à cette autre maman qui risque d’être dans une situation délicate si J. part pour nous rejoindre. Tergiversation. Xavier nous écoute et s’agace un peu. Son discours est un peu paradoxal puisqu’il ne trouve pas que j’ai l’air sur le point d’accoucher, mais il trouve idiot de ne pas appeler J. pour lui dire de venir sous prétexte qu’une autre maman serait obligée de se passer d’elle. Je me décide donc à la tenir au courant des dernières nouvelles. Situation bien embarrassante… J ne sait elle-même trop quoi faire, et elle n’a aucune nouvelle de l’autre maman. Je suis un peu déçue. Je sais moi, que tu es en chemin et j’ai l’impression de n’avoir pas été très convaincante. D’un autre côté, bien sûr, je ne sais pas moi-même combien de temps cela prendra encore… J’aurai juste aimé savoir J. disponible, l’idée d’avoir fait tout ce chemin, tout ce cheminement, pour accoucher tout de même en maternité me traverse l’esprit et m’attriste. J’ai envie de m’isoler. Je décide d’aller prendre un bain, la très grande baignoire de la maison me fait vraiment envie, chez nous elle est toute petite. Lumière tamisée, Ali Farka Touré en musique de fond, je me plonge dans le bain et me recentre paisiblement. Je rase les quelques poils que je vois et que j’arrive à atteindre sur mes jambes. Les contractions reviennent et sont rapidement assez fortes pour rendre la position allongée dans l’eau inconfortable et me faire en sortir… Mon petitroiz poursuit sa route ! Je sors du bain, profitant de Joachim venu m’annoncer que J est en chemin… Cette nouvelle est un vrai soulagement… je me sens maintenant libre de me laisser aller, libre de mettre au monde mon tout petit, elle arrivera bientôt.

En bas, la vie continue. Je les rejoins. Les contractions sont de plus en plus douloureuses, je suis obligée de m’arrêter à chacune d’elles. Je sens dans leur attitude que xavier et anne-so ont compris. Les enfants ont mangé, tout le monde s’active, il faut préparer les lits de Marius. et Lubin qui dormiront pour l’occasion dans la chambre de leurs parents, laissant leur chambre à J, au cas où… L’excitation monte, le calme est intense et moi, je déconnecte de plus en plus. Nous couchons Margot et Jonah en leur disant qu’il se pourrait bien que le bébé arrive cette nuit… « il va sortir du ventre ». Margot me demande de lui chanter la chanson du bébé, cette chanson que j’ai chantonné toute la journée pour accompagner notre danse. J’ai du mal à lui chanter, les contractions me coupent le souffle. Je lui chante au rythme de ces dernières, le tempo est donné, de plus en plus rapide. Un petit bisou et je file, ne parvenant plus à me retenir de grimacer. Je reviens parmi le « monde » mais je ne suis pas tout le temps avec eux. Le silence règne toujours. Xavier prépare un feu de cheminée, cette attention me touche, elle a tellement de sens. Plus personne ne doute maintenant que tu arrives, la maisonnée est toute prête à t’accueillir.

Je poursuis ma danse, je ne peux plus faire que cela dorénavant. De temps en temps, quelques mots échangés me sortent de cette bulle qui est en train de se former. Chaque contraction est une invitation à venir un peu plus à l’intérieur de « moi ». Je vais à sa rencontre…. Et à la mienne aussi.

Anne-sophie me propose devant ma tête grimaçante sans doute, de commencer le rituel des lingettes. J’hésite, J. m’a conseillée de ne pas user trop vite de toutes les stratégies contre la douleur, au risque de n’avoir plus rien quand la douleur sera à son apogée. Anne-so insiste, elle sait sans doute que nous commençons ces moments intenses.

Nous nous dirigeons vers la « salle de jeu », « notre » chambre avec, un saladier, une bouilloire, des carrés de coton éponge d’Ikéa. Joachim à présent ne me quitte plus, j’ai besoin de sa présence, de sa force, je veux le sentir près de moi à chaque instant. Lorsque la contraction m’enserre le ventre, je préviens d’un « elle arrive. » Joachim redouble aussitôt de présence, anne-so trempe la lingette dans l’eau chaude et me la pose contre le ventre le temps de la contraction. C’est un grand soulagement si la lingette est à température parfaite, ni trop chaude, ni trop froide ! Trop chaude elle brûle trop froide elle ne me procure aucun soulagement et même pire, me déstabilise… C’est étonnant comme j’ai l’impression de devoir accompagner la contraction, il ne faut surtout pas que je loupe le départ, ni que je me relâche ensuite. Un peu à l’image du surfeur qui doit prendre la vague. Je me souviens avoir fait de la planche un été près de Lacanau ; allongée sur celle-ci, une toute petite pointe d’angoisse et beaucoup d’excitation, j’attendais la vague. Lorsqu’au loin je la voyais arriver, je me préparais à ramer de toutes mes forces pour ne pas la rater, puis, une fois sur elle, celle-ci m’emportait dans son élan vers la plage. Mieux j’étais positionnée et en phase avec la vague au départ, plus loin la vague m’emmenait. Une fois la vague terminée, le calme revenu, je reprenais tranquillement le chemin me menant à la vague prochaine, une pointe d’angoisse et beaucoup d’excitation.

Bien sûr, si je devais donner une image à mes contractions actuelles, ce serait des vagues énormes, il n’est absolument plus question de louper le départ au risque de boire la tasse. Mais je me découvre finalement assez bonne pour « surfer » sur les contractions. Je les accompagne d’un son grave, un « oooooo » profond et lointain. Pendant la contraction, je ne tolère aucun mouvement, il me ferait sortir de « moi ». C’est fou comme Joachim et Anne-so respecte cela sans que je ne leur ai rien demandé. Ils me donnent même l’impression d’attendre eux-même mon signal de fin pour reprendre leur souffle. Bien souvent ce signal est un hoquet, cela nous amuse. Nous gardons ce même rituel un moment, combien de temps je l’ignore, je suis maintenant hors du temps, je suis maintenant tout à petitroiz, à sa venue.

J’entends J. arriver, cela me réjouit… Elle parle pomme de terre avec Xavier. Puis elle passe sa tête par la porte comme pour prendre la température de ce qu’il s’y passe…. Et entre elle aussi dans la danse, parfaitement dans le rythme, Protagoniste de plus dans la naissance de mon petitroiz, protagoniste de choix elle aussi.

C’est au tour de Margot de passer le visage ensommeillé par la porte. J’essaye tant bien que mal de faire bonne figure, je ne voudrais pas lui faire peur. A-t-elle entendu J. arriver ? Aurait-elle eu envie de savoir où en était son petit frère… Nous la rassurons et l’invitons à se rendormir en lui promettant de la réveiller une fois le bébé né. Je me demande quel souvenir elle peut garder de tout ça… Quelles images garde-t’elle en tête ? Mais je suis contente de son apparition. Elle se recouche sans problème. Marius et Lubin sont également couchés, ils étaient sans doute descendus saluer J.

Les contractions se succèdent.

Dans un effort que je pensais impossible, sous l’impulsion de J., je me rends aux toilettes. Cela me demande de sortir un peu de « moi ». J’y suis tellement bien, tellement mieux…Tellement, que c’est les autres que j’ai maintenant du mal à rejoindre. Mes yeux sont fermés. En partant des toilettes, je laisse ma culotte et ma pudeur avec… il n’est de toute façon plus question de pudeur, mais de son arrivée prochaine… de plus en plus proche. A mon retour, je préfère rester debout, j’ai soif et envie de vomir à la fois, les choses s’accélèreraient-elles ? J. m’encourage par sa réponse, « ces sensations sont le signe que ton bébé s’engage dans le bassin », je suis contente. Il est temps d’installer un matelas, gonflable (pas super confortable !). J. et xavier s’y affairent, serait-ce le dernier acte ? Le matelas est installé au pied du canapé lit. Je m’agenouille et enfouis ma tête dans les jambes de mon homme. Le temps s’écoule mais je ne le partage plus, le vent souffle toujours, et la mer/mère en moi est déchainée… Les contractions sont maintenant hyper fortes, oserai-je dire des tsunamis ? Chacune d’elle m’emporte que je le veuille ou non. Heureusement j’ai toujours près de moi mes 3 anges gardiens. A chaque contraction, les mains de J savent exactement où appuyer pour me soulager, elles me transmettent de la douceur, Anne-so m’applique une lingette à la température idéale et Joachim m’enveloppe de sa présence et de son amour… Tout ceci, dans un silence divin, une luminosité très douce et toujours avec la même patience. Mais la douleur est tellement grande, j’ai l’impression de perdre pied, vais-je y arriver ? Combien de temps cela va-t-il durer encore ? Où en est-il de son chemin ? Qu’est-ce qu’il m’a pris d’avoir une idée pareille !!!! Chaque contraction m’envahit totalement, et lorsque je réalise une fois qu’elle est passée, que j’ai survécu, je me rassure en me disant que c’en est une de moins. Mais combien à venir encore ??? C’est lors d’une contraction sans doute encore plus forte que les autres, que la poche dans laquelle petitroiz baigne depuis presque 9 mois se rompt bruyamment… un pas de plus vers nous. J. nous rassure rapidement, bébé va très bien. Moi, je prends peur, les contractions vont-elles devenir encore plus douloureuses ? Peut-il y avoir une douleur encore plus forte ? Chaque contraction pousse notre bébé vers la sortie, mais il n’avance que de quelques millimètres à chaque fois et ça fait tellement mal. J’ai l’impression que je n’y arriverai jamais. J. me murmure des paroles rassurantes, pleines de confiance et d’encouragements. Elle me dit que je peux prendre le temps dont j’ai besoin, que bébé va bien. Je ressens l’envie de me mettre sur le dos, personne ne s’y oppose, J. vérifie simplement que petitroiz supporte cette position peu conventionnelle en AAD, mais finalement, l’AAD n’est-il pas sans convention… Dans cette position, les contractions sont un peu moins douloureuses, elles s’espacent même me permettant quelques répits. Mon homme, Anne-so et J. sont toujours près de moi, leur soutien, leur bienveillance est totalement indescriptible, ils savent tous les trois que ce qui se joue aujourd’hui va bien au-delà de la naissance de mon troisième enfant… La complicité qui lie les deux femmes à mes côtés rajoute de l’émotion à ce moment déjà si merveilleux. Je les entends parfois chuchoter. Je peux lire en elles et en mon homme, leur bonheur d’être présents et ceci est un merveilleux encouragement, une belle preuve d’amour, d’amitié, de foi en la vie.

Quelques paroles rassurantes, quelques caresses pour m’encourager, je dois maintenant le laisser sortir, c’est le moment. Je redoute la douleur, je redoute son passage, j’ai peur d’être déchirée aussi…

Je m’agenouille de nouveau, une jambe un peu surélevé… Les contractions reprennent… TSUNAMI… Mais je suis étonnée de me rendre compte que lorsque je pousse, la douleur devient moins vive. Quelques contractions encore me seront nécessaires pour me remplir de courage et accepter de le « pousser dehors ».

Je me sens prête, je relève cette fois mon autre jambe et je pousse de toutes mes forces, celles qu’il me reste. Je le sens progresser, il manque si peu pour qu’il soit parmi nous. La contraction suivante, je suis obligée de pousser, ça pousse même tout seul et je sens mon corps s’ouvrir pour laisser apparaître sa tête pleine de cheveux. Je n’ai qu’une hâte, que ça se termine, je n’en peux plus… Je veux qu’il sorte maintenant et dans une dernière poussée, accompagnée par J., il glisse hors de moi, rejoignant le monde extérieur…

C’est J. qui te rattrape et te donne à ton papa. Quel moment sublime ! Je n’en reviens pas, tu es né, je me sens tellement bien, j’ouvre mes yeux pour te regarder… quelle est donc ta frimousse, notre petitroiz ? Tu es si beau… bienvenue mon bébé !

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